Les représentations du monde et du savoir. Mappemondes, cartographies

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L'Europe d'Abraham Ortelius, 1570


Représenter la terre
Dès l’Antiquité, les hommes ont cherché à représenter leur territoire et à mémoriser des itinéraires. Les Grecs vont élaborer un système de représentation du monde et jeter les bases de la cartographie. Vers 650 avant Jésus-Christ, Thalès de Millet conçoit déjà la rotondité de la Terre, ce que confirmera quelques siècles plus tard Aristote en s’appuyant sur l’image des bateaux disparaissant progressivement à l’horizon comme aspirés par la mer... 


Ptolémée, Géographie
Avec les huit livres de sa Géographie, Ptolémée, astronome, astrologue, géographe vivant à Alexandrie au IIe siècle après J.-C., transmit à l’Occident le résultat de plus de sept siècles de science grecque, et en particulier les notions suivantes : sphéricité de la Terre, antipodes, existence d’un continent austral.  Fournir à tous les moyens de dresser une carte donnant une vue d’ensemble du monde habité connu — Œkumen —, tel était le dessein de ce géographe mathématicien, à l’esprit vulgarisateur et systématique.  Traduite en arabe dès le IXe siècle, la Géographie de Ptolémée ne sera redécouverte en Occident qu’à la fin du XIIIe siècle. C’est de cette époque, à laquelle furent réalisées les premières cartes, que datent celles qui illustrent ce manuscrit. Traductions latines et éditions imprimées se succéderont sans relâche au XVe siècle, puis au XVIe siècle.


Les mappemondes. Une image médiévale du monde

Lecture ordonnée du monde, la mappemonde est à la fois représentation de la terre habitée, lecture de l’histoire et des sciences, et vision religieuse du monde : des clés pour comprendre le Moyen Âge. Gros plan sur la mappemonde d’Ebstorf, réalisée en Allemagne entre 1213 et 1373, qui propose, à qui la regarde avec attention, une lecture ordonnée du monde, du centre vers la périphérie : de la perfection originelle à la dégradation physique et morale.

Al-Idrisi, la Méditerranée au XIIe siècle

La Géographie d’al-Idrîsî propose, au milieu du XIIe siècle, une exploration du monde par un savant arabe vivant à la cour cosmopolite du roi normand Roger II de Sicile. C’est un atlas qui décrit de manière très codifiée les pays, leurs villes principales, leurs routes et leurs frontières, ainsi que les mers, les fleuves et les montagnes. Al-Idrîsî commente ces cartes en suivant des itinéraires, comme un véritable guide.

L’Atlas catalan

Attribué au Majorquin Abraham Cresques et élaboré entre 1375 et 1380, l’Atlas catalan combine cosmographie, géographie et imaginaire. Cette œuvre exceptionnelle est à la fois une carte nautique avec rose des vents, lignes de rhumbs, et une représentation imagée des régions habitées du globe avec leurs particularités historiques, géographiques, commerciales, et leurs divisions politiques.


Bateaux du globe terrestre de Coronelli

Le globe terrestre a été conçu dans une optique pédagogique pour conduire Louis XIV à s’intéresser au commerce extérieur et à son développement maritime comme le suggère la représentation des vaisseaux européens et asiatiques. Évoquant la facilité du commerce, les flûtes et chaloupes européennes courent des mers sans danger, tout comme les caracolles indiennes ou les vaisseaux-serpents chinois.
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Le monde au regard des cartes marines. La Terre imaginée par les Européens

Au IIIe siècle avant Jésus-Christ, Ératosthène calcule la circonférence de la Terre à l’aide d’un gnomon, un simple bâton de bois planté dans le sol. Ptolémée, au IIe siècle de notre ère, conçoit la carte du monde et ses cartes régionales à l’aide d’un quadrillage de lignes parallèles et perpendiculaires. Au Moyen Âge, les dessinateurs des cartes marines disposent eux aussi d’instruments très simples – ceux des marins – comme la boussole et sa rose des vents. Avec des moyens qui semblent dérisoires, voyageurs et savants ont œuvré à la découverte de la Terre, à l’élargissement sans précédent du monde connu et, pour finir, à la connaissance totale du globe. Les cartes marines invitent à retrouver ces épopées. Ces représentations visuelles ne sont-elles pas à l’intersection entre l’expérience des voyages, aléatoires et dangereux, autour du globe, et la pensée abstraite de la totalité de la Terre ? Comment ces cartes ont-elles contribué à dessiner l’image du monde des Européens ?

La parole des voyageurs comme source des cartes marines

Les récits de voyageurs écrits entre le XIVe et le XVIe siècle relèvent à la fois d’un héritage antique et médiéval de légendes sur les pays lointains, et d’expériences réelles et nouvelles. Ils témoignent de la circulation des savoirs et des fables, de la curiosité et de la mobilité des Européens et de leur rencontre avec les autres peuples du monde. Ces textes à leur tour inspirent les commentaires et l’iconographie des cartes marines, et renouvellent les images de « l’ailleurs ». Tout en continuant à mêler faits authentiques et merveilleux, les récits de voyage revendiquent de plus en plus, à la Renaissance, un savoir empirique, basé sur l’expérience vécue. De plus, ils invitent à poursuivre l’aventure des découvertes qui élargissent le monde connu.

Le planisphère de Nicolò de Caverio

Très tôt, les Portugais ont conscience de l’intérêt que suscitent leurs découvertes. La présence dans leurs ports d’espions génois, espagnols et florentins est très vite constatée. En 1504, le roi Manuel Ier prend une décision déterminante : s’assurer le monopole du commerce des épices sur le continent indien. Pour cela, il prend des mesures visant à préserver l’avance du Portugal sur les autres puissances européennes : il consigne au secret tout ce qui touche à la navigation à « l’Armazem da Guiné Mina e India », l’administration royale chargée, en autres, de contrôler la production des cartes marines. Interdiction est faite aux cartographes de représenter la côte africaine au-delà de São Tomé et Príncipe (îles en face du Gabon) ; seul le chef cartographe assermenté met à jour les cartes, vérifie les documents rapportés et les distribue aux capitaines agréés par le roi. En 1502, Alberto Cantino, espion d’Ercole d’Este, duc de Ferrare, est envoyé à Lisbonne. Il est officiellement venu acheter des chevaux. Mais c’est tout autre chose qu’il acquiert pour douze ducats d’or : il achète le droit de copier une carte, grâce au concours d’un cartographe travaillant pour « l’Armazem ». Il est important pour lui de revenir avec des informations sur les dernières découvertes des Portugais qui risquaient de menacer le monopole de l’Italie sur le marché des épices en Europe. Ce « larcin » donnera naissance à une célèbre carte : le planisphère de Cantino influencera à son tour le travail du génois Caverio lorsqu’il dessinera sa carte en 1506.

Mar del Sur

Il faut imaginer Magellan sur son navire, suivi par deux autres bâtiments, s’engageant dans un dangereux détroit, long de 600 km. De temps à autre, des foyers incandescents brillent dans la nuit. Après des semaines de navigation, le dernier cap est enfin franchi, on le baptise « Deseado », « Le Désiré », le dernier territoire qui laisse derrière lui les tempêtes et les peurs des semaines passées. Une brise régulière souffle enfin, la couleur de la mer change, le calme règne et Magellan baptise cette nouvelle mer « Mar Pacifico ». Ce qu’il ignore encore, c’est que le plus pénible est à venir puisqu’il reste 20 000 km à parcourir, trois fois plus que ce qu’il pensait. Après le passage du détroit, la grandeur du Pacifique fut sa plus grande découverte. Un siècle plus tard, au moment où le Hollandais Hessel Gerritsz réalise sa carte du Pacifique, cette mer qui n’est pas encore un « océan » possède plusieurs noms. Sa dimension n’est pas définie. On ignore les dangers de ses courants, de ses vents. On ignore beaucoup des îles, petites ou grandes, qui le parsèment. Les capitaines s’y perdent facilement, car on ne sait pas encore, en ce XVIIe siècle, calculer les longitudes. C’est donc un océan qui conserve ses mystères et qui fait peur aux marins européens. On peut y mourir de faim ou du scorbut, on peut y être brûlé par le soleil ou dévoré par un poisson gigantesque dans les courants déchaînés du sud. Hessel Gerritsz borde les « mers » de terres et d’îles qui semblent bien fragiles, devant toute cette immensité. Il dessine des navires où l’humain paraît petit et impuissant mais où s’affirment avec force la puissance l’omniprésence de la flotte hollandaise. Seules les lignes des vents, les écritures fines et délicates rassurent. Les trois portraits de Balboa, Magellan et Lemaire sont comme des phares lumineux, présents pour nous rappeler au combien exceptionnels furent leurs périples, et qu’il reste encore beaucoup à faire.


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